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portraits de femme, souvenirs de voyage, vie quotidienne....

Mi ranchito

Andrès et les deux françaises entrèrent dans la maison de Sixta, il faisait sombre et frais à l'intérieur. Comme les quelques maisons qui avaient participé au programme de Fondacommun, la maison de Sixta comprenait un petit jardin, à l'arrière de la maison. Sixta les aperçut, elle rinçait les légumes qu'elle avait acheté dans la nuit avec sa main valide. Elle les invita à entrer chaleureusement. Sixta avait perdu son bras gauche, on ne savait pas si elle était née ainsi ou s'il s'agissant d'un accident. Sixta irradiait d'énergie et d'enthousiasme. Olga fut vite impressionnée par le dynamisme de le jeune femme.

Ils s'installèrent dans le jardin, autour de Sixta, qui commença à échanger avec Andres sur les programmes en cours pour le barrio. Sixta était contente, la garderie fonctionnait bien, il restait encore de nombreuses améliorations à apporter, la municipalité n'avait toujours pas engagé les travaux pour mettre en place le tout à l'égout, les raccords électriques étaient encore faits de manière sauvage, et très souvent, le ramassage des ordures ménagères devenaient compliqué à cause des nombreux fils électriques qui barraient la route, sans parler de leur dangerosité pour les enfants.

Sixta parlait très vite, Olga et Emeline tentaient en vain de comprendre ce qu'ils échangeaient. Olga se leva, elle avait envie de sortir un peu dans le barrio. Elle avait bu toute sa bière et avec cette chaleur, la tête lui tournait déjà. Il y avait du monde dans le chemin, les hommes rentraient du travail. Olga se trouva nez à nez avec Luis, qui prenait une bière dans le frigo.Il avait l'air fatigué, et ne parut nullement supris de la trouver dans cuisine. Il la salua et partit rejoindre un groupe d'hommes dans la maison d'en face.

Olga fut vite entourée par une troupe d'enfants, qui commençaient à lui parler, lui posaient des questions, se moquaient probablement d'elle et de son accent mal assurée. Curieusement, elle parlait peu espagnol, mais elle parvenait à se faire comprendre. A Maracaibo, les gens parlaient très vite, ils mangeaient la moitié des mots, ils baragouinaient. Les maracuchos avaient mauvaise réputation. Les gens de Caracas les trouvaient vulgaires, peu éduqués, sans curiosité donc incultes. Selon eux,  l'argent du pétrole avait corrompu Maracaibo et ses habitants.

Depuis 3 jours, qu'elle était là, Olga ne voyait rien de cette prétendue richesse, autour d'elle tout n'était que tôles ondulées, ordures, eaux polluées, et pestilencielles. La ville était parsemée de bâtiments à moitié construits, les gamins traînaient dans les rues, l'argent du pétrole ne profitait certainement pas à tous.

Olga fut vite rejointe par Emeline et Andrès. Ensemble,ils se rendirent chez Miria, qui les attendaient, Sixta avait encore à faire, elle les rejoindrait un peu plus tard.

Le barrio était très animé le samedi soir, les hommes rentraient du travail, les femmes préparaient le repas, tout le monde était dehors, des flots de musique gaitane s'échappaient de tous les recoins, la chaleur se faisait moins écrasante.

La maison de Miria était située au bout de la rue, elle se distinguait des autres, elle était plus spacieuse et plus aboutie tant à l'extérieur qu'à l'interieur. Miria avait fait venir un entrepreneur de ses amis pour ses travaux. Ainsi, elle avait une vraie cuisine, deux chambres et une grande salle à manger. Elle avait prévu d'inviter le futur maire à manger un jour.

Quand ils arrivèrent enfin chez Miria, il y avait un petit attroupement devant chez elle, quelques hommes en shorts, bière à la main, et Miria, attablée, sa casquette vissée sur sa tête, qui chantait.

Miria était une petite bonne femme sympathique, les cheveux courts, brune, un peu trapue, mon petit ranchito était une gaita de sa composition, ses amis et voisins lui réclamaient tout le temps cette chanson quand ils festoyaient ensemble, c'est à dire souvent.

Cette chanson, c'était un peu l'histoire du barrio, et de tous les barrios en même temps. Tous ces hommes et ces femmes étaient arrivés au même moment, quittant  leur campagne pour pouvoir travailler, et nourrir leur famille en ville. Le petit ranchito, c'est l'histoire de la lutte qu'il a fallu mener pour s'approprier des terres qui n'étaient pas les leurs, des terres qui ne pouvaient être achetées pour d'obscures raisons, ou parfois même des terres achetées à des profiteurs, usurpant l'identité de propriétaires désignés par l'Etat.

Il a fallu combattre cette injustice  pour disposer d'une terre à soi, pour y faire vivre sa famille, voir grandir ses enfants. Les habitants du barrio étaient fiers de ce combat, cela construisait leur histoire, et les générations futures porteraient l'empreinte de cette histoire là.

Sept années après, ils savaient qu'ils resteraient là. Aujourd'hui, ils travaillaient tous activement pour une légalisation ferme et définitive des terrains. Et pour cela, ils avaient élu Miria, militante politique et maintenant conseillère municipale, représentant la paroisse de la Parroquia. Des votes en échange de terrains, le deal leur convenait, la couleur politique importait peu.

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