El padre

06.07.2014

Il est mort.

Benoit regardait le jardin par la fenêtre du salon, Albert, son père était mort pendant la nuit.Ils s'y attendaient tous, depuis plus de 2 semaines, il ne quittait pas son lit. Sa fille, louise, le veillait nuit et jour. Sa femme, Simone, ne disait rien. Il avait 99 ans. Avec l'âge, Albert s'était comme recroquevillé sur lui-même. Il y a un mois encore, il se promenait dans la propriété, près de la rivière, faisant signe aux promeneurs qui passaient non loin de la. Il parlait peu, dans la famille Vander, on parlait de toute manière assez peu. La mort d'Albert laissait un vide profond. Toute sa vie, Benoit avait recherché son attention, jusqu'à son dernier jour. Il avait l'impression qu'il avait passé son existence à voir dans les yeux de son père un semblant d'intérêt, mais en vain. Son père ne l'aimait pas. Mais Albert aimait il ses enfants ? pas sûr. Tout le monde le craignait dans la famille. Les repas de famille étaient rythmés par ses humeurs, il avait ses petites manies. Personne ne pouvait commencer son assiette si albert n'était pas à table, Albert ne supportait de voir le pain mis "sur le dos", il ne supportait pas les cris des enfants, il gérait tout mais ne gérait rien, ainsi l'ensemble des biens appartenant à la famille avait disparu, mais on ne savait pas vraiment comment, la villa de Jullouville ou ils passaient tous leurs été, Albert mort, la 404, le bateau, il ne laissait rien, 100 000 euros pour Louise qui lui avait sacrifié toute sa jeunesse, soit rien ou plutôt non, il laissait un sacré bordel. Une vieille demeure, peu entretenue qui se lézardait, remplie de meubles, de miroirs et de verres de cristal.

L'église était pleine pour son enterrement. Peu de pleurs, les dames étaient en noirs, Penélope avait mis ses lunettes de soleil, elle ressemblait à Greta Garbo, elle arborait un air grave, et triste, elle avait mis ses talons aiguilles, et Guillaume la tenait par la taille, plein de commisération pour sa belle.

Benoit avait appelé Olga pour lui apprendre la nouvelle, Olga n'avait jamais été proche de son grand père, il n'aimait personne hormis Penelope, sa cousine et Paul, le frère d'Olga.

La mort d'Albert provoquait d'autres remous, Simone et Louise pouvaient elles rester aux Roches brunes ? qu'allaient ils faire de cette immense demeure en friche ?

Benoit avait 55 ans, il travaillait comme gardien de nuit sur les chantiers Eiffage depuis plus de 2 ans. Il avait encore 7 ans à faire. Cela ne le dérangeait pas de travailler la nuit, il pouvait lire, écouter la radio. Après son licenciement, il avait fait toutes sortes de petits boulots, guide touristique dans une abbaye, gardien de parking, il avait passé deux CAP, vendeur de télévision, celui qui l'avait le plus marqué c'était recouvreur de créances pour une société de recouvrement Caennaise. Il avait tenu 4 mois. Il avait reçu des menaces, et ne supportait plus d'aller au domicile pour réclamer des impayés dans les quartiers réputés les plus violents de Lisieux. Très souvent, il arrivait dans des appartements non chauffés, sales, face à des gens complètement épuisés par une situation sociale catastrophique, il y avait souvent des enfants, en pleine journée, soit disant malades. Une misère sociale urbaine qu'il découvrait.Il n'en pouvait plus. L'ambiance à la maison était triste, sa femme, Nicole avait repris un travail à l'usine, elle travaillait de nuit, pour gagner un peu plus. Terminé les vacances à la mer, les enfants étaient grands, restait Benjamin, qui faisait des petits boulots, et qui heureusement ne se laissait pas envahir par la morosité ambiante.