Café Bambi

Ils avaient l'habitude de se retrouver en fin de journée au café Bambi.

Toute la jeunesse dorée de Maracaibo se retrouvait là, pour boire un café con leche, déguster une glace, la nourriture y était délicieuse et il y avait parfois des groupes qui chantaient.

Il y avait beaucoup d'argentins, de cubains et de nombreux enseignants de Maracaibo. Certains étudiants venaient aussi, , quelques étrangers, français, et surtout  anglais. Steve était l'un d'entre eux. Il avait maintenant plus de 50 ans, il venait boire son thé tous les jours, vers 17h00 avec Iliana, de 25 ans sa cadette, étudiante en litterature, fille de l'une des plus grosses fortunes de Maracaibo, Angel Villalobos. Angel gérait une chaine de restaurants qui vendait des tequenos, une sorte de beignet de fromage, spécialité venu d'ailleurs, dont rafolait  les Maracuchos. Il possédait à ce jour 5 restaurants dont 3 sur Maracaibo.

On ne savait pas grand chose de Steve, sauf, qu'il vivait avec sa mère, dans un appartement cossu au Nord de Maracaibo. On en savait pas vraiment comment il gagnait sa vie. De temps à autre il jouait de la guitare dans un groupe qu'il avait formé avec des étudiants rencontrées au Café Bambi, Avilio, Javier et Carlos, garçons de bonne famille eux aussi.

Steve aimait boire. Il buvait sa bouteille de Cacique dans la soirée. Cela ne l'empêchait pas de jouer, il avait de nombreux amis, plutôt jeunes et il pouvait passer la nuit à converser sur la musique anglaise, il ne parlait jamais  de politique, on aurait dit une sorte de Mick Jagger perdu dans les cafés vénézuliens, il était surprenant. Il se disputait souvent avec sa jeune compagne, parfois, on les voyait bouder l'un et l'autre, au Café Bambi. Surtout elle. Alors, elle partait,  prenait sa voiture, et le laissait là, parfois elle revenait, le prenait dans ses bras, puis ils repartaient ensemble, collés l'un à l'autre, parfois elle ne revenait pas.

Cette après midi là, Steve attendait Javier. Ils avaient prévu de jouer au Café Bambi le samedi suivant. Ils devaient répéter, mais ils ne savaient pas encore ou ils pourraient le faire. En règle générale, la répétition se passait chez  Iliana, son père possédait un appartement,dans le quartier de las mercedes. L'immeuble avait un grand sous sol, qui leur servait occasionnellement de salle de répétition.

Javier était en retard, ce qui était rare, Steve avait fini son thé, il avait envie d'une bière, il était fatigué. il s'était violemment disputé avec Iliana, sa mère commençait à gagater serieusement et il était hors de question qu'Iliana vienne vivre avec eux. La mère de Steve avait 70 ans, elle avait épousé un américain, lorsqu'elle avait 19 ans, plus agé qu'elle, et l'avait suivi à Maracaibo pour ses affaires, principalement pétrolière. Elle est devenue veuve 20 ans plus tard, son mari lui avait laissé un patrimoine et quelques biens sur Maracaibo lui permettant de vivre avec son fils assez aisément. Ils restèrent donc. Revenir en Arizona n'avait aucun sens, ils n'y connaissaient plus personne, Steve n'y avait aucun souvenir. La vie à Maracaibo restait abordable. Steve ne travaillait pas, il n'avait même jamais travaillé.

Une exclamation joyeuse le tira de sa rèverie, salut vieux frère, ça va ? Javier était là devant lui, chevelure hirsute et chemise à fleurs, le sourire aux lèvres,  un livre à la main.

Javier avait 26 ans, musicien, étudiant en architecture, touche à tout, il avait réussi à trouver un petit boulot pour une entreprise de construction, il mettait en forme des plans, et reprenait les notes des maitres d'oeuvre pour élaborer des argumentaires. Cela permettait parfois d'obtenir des fonds pour commencer un chantier...qui ne se terminerait probablement jamais. Tout le monde aimait Javier. Javier avait un rêve, il voulait aller en Europe. Fondu de littérature, il avait lu toutes les oeuvres de Stendahl, Proust, hemigway, PD James, Marguerite Duras il pouvait passer des journées entières à lire.

Javier adorait le Café Bambi, son univers cosmopolite lui plaisait bien. Javier avait présenté Iliana à Steve.